Féminisme et écologie, oui !
«Vive l’écoféminisme !» Pour le 8 mars, elles manifestent aussi pour l’écologie
Quel est le lien entre féminisme et écologie ? Réponse en vidéo des militantes de la manifestation pour les droits des femmes à Paris ce 8 mars.
« On ne naît pas femme, on en meurt », « un homme de qualité n’a pas peur de l’égalité », « sorcières en colère ». Sur la place Gambetta, dans le centre de Paris, des centaines de femmes sont pressées en ce 8 mars pour fournir les rangs de l’annuelle manifestation pour les droits des femmes.
Parmi elles, quelques pancartes aux slogans écoféministes. Reporterre a demandé à ces manifestantes quel est, pour elles, le lien entre écologie et féminisme.
« Sur l’écologie avec le réchauffement climatique, les premières touchées ça va aussi être les femmes », explique Martine, combinaison bleu et iconique bandeau rouge dans les cheveux. « Ce sont souvent aussi les femmes qui sont les premières à se battre », ajoute sa camarade. Barrage en Inde, crise de l’eau en Amérique latine, pour cette militante porteuse d’un sticker Les Soulèvements de la terre, les femmes ont à cœur de soigner non seulement leur entourage mais aussi la nature qui les entoure. « Et c’est pour ça qu’on est là, qu’on est en première ligne et qu’on y restera. Vive l’écoféminisme ! »
Pour une autre manifestante, le lien entre féminisme et écologie est primordial : « Pas de féminisme sans écologie et d’écologie sans les femmes ». Impossible pour elle de venir manifester sans une pancarte en rapport avec l’écologie. Dans la foule, elle arbore fièrement son slogan violet : « Phallocrates, glyphosate, bas les ai-elles ! » « On est des pollinisatrices, je pense, les femmes, comme les abeilles », explique-t-elle.
Un article par Léa Gorius, 9 mars 2024, pour Reporterre
Pour l’occasion, Reporterre propose une sélection de livres, de BD et autres œuvres, féministe et engagés; à lire, découvrir et partager !
LIVRES
• Féministe des champs
Des femmes qui reprennent seules, ou en couple lesbien, une exploitation agricole ; qui décident de s’installer dans une communauté rurale exclusivement féminine… Dans Féministe des champs, la sociologue Constance Rimlinger ne s’intéresse pas seulement aux personnes qui quittent les villes et (re)viennent s’installer dans les campagnes. Elle veut étudier plus précisément celles qui décident de le faire, sans être engagées dans une relation hétérosexuelle.
Son enquête la mène d’un gîte tenu par une femme dans la Creuse jusqu’à la Nouvelle-Zélande, où elle part rencontrer un couple queer propriétaire d’un sanctuaire végane. « En ces temps de crise écologique et sociale, choisir d’enquêter sur des groupes et individus qui constituent une petite minorité mais qui sont porteurs d’une autre manière d’être au monde, c’est reconnaître qu’ils proposent des alternatives », écrit l’autrice. Un voyage qui laisse rêveuse.
Féministe des champs, du retour à la terre à l’écologie queer, de Constance Rimlinger, éditions PUF, 2024, 290 p, 23 euros. |
• Vivantes : des femmes qui luttent en Amérique latine
Et si on décalait le regard et qu’on ne se limitait pas à une approche occidentalocentrée, urbaine, blanche et hétéronormée ? Il n’y a pas qu’une manière d’atteindre la libération féminine. Il existe aussi des voies d’émancipation plus cachées, plus autochtones. Le recueil de textes réunis par Elina Fronty est, en cela, salvateur. Il vise à faire entendre en langue française d’autres réalités, les paroles de femmes, souvent amérindiennes, qui luttent et œuvrent depuis le continent latino américain pour la liberté et la vie. Avec leurs particularités, leurs chants, leurs colères et leur cosmogonie.
« Nous ne cherchons pas la propriété de la terre, nous proposons un autre art de l’habiter », affirment-elles en puisant dans leur savoir ancestraux. Pour elles, ni les femmes, ni la terre ne sont des territoires de conquête. Le désir de prendre soin de la nature vivante et sacrée dans laquelle elles occupent une place importante, et de la préserver des ravages du capitalisme, s’enracine dans une réflexion croisée sur les violences faites aux femmes et celles faites à la terre, pour essayer de se libérer du poids du colonialisme et esquisser un rapport non patriarcal au monde.
« Je suis une enfant sauvage, innocente, libre et en pleine nature. J’ai tous les âges, mes grands-mères vivent en moi. Je suis sœur des nuages. Je ne sais que partager. Je sais que tout appartient à tout le monde et que tout est vivant en moi. Mon cœur est une étoile, je suis une fille de la terre. » Extrait de chants médicinaux mexicains.
Vivantes : des femmes qui luttent en Amérique latine, Collectif, éditions Dehors, 2023, 240 p, 18 euros. |
• La subsistance, une perspective écoféministe
C’est un livre historique qu’ont décidé de republier récemment les éditions La Lenteur. Il comble un manque et nous permet de replonger aux racines de l’écoféminisme des pays du sud. Dans les années 1970, les chercheuses Maria Mies et Veronika Bennholdt défendent la « perspective de la subsistance » comme horizon de transformation totale pour « décoloniser les trois colonies du capital : la nature, les femmes et le Sud ». Pour elles, l’écoféminisme avant d’être une théorie est d’abord une pratique, une quête d’autonomie basée sur la paysannerie, la défense des communs et l’entraide communautaire. Elle se couple aussi avec une critique virulente de l’industrialisation.
Malgré leur faible écho médiatique, ces travaux ont inspiré le courant écoféministe actuel. La chercheuse Geneviève Pruvost s’y réfère tout comme la chercheuse féministe et marxiste Silvia Federici. « Nous voulons débarrasser la perspective de la subsistance du stigmate véhiculé par le discours progressiste qui lui colle encore à la peau. Nous voulons insister sur le fait que c’est nous, le peuple, qui créons et entretenons la vie, et non l’argent et le capital. C’est cela la subsistance », écrivent-elles.
La subsistance, une perspective écoféministe, Maria Mies et Veronika Bennholdt-Thomsen, éditions La lenteur, 2022, 352 p, 24 euros. |
• Mangeuses
Pouvez-vous citer un roman ou un film célèbres réunissant des femmes autour de tablées, dévorant, gloutonnant un banquet ? La tâche est ardue. Partant de ce constat, la journaliste Lauren Malka a voulu fouiller l’histoire et la littérature, pour s’intéresser à l’évolution du rapport à l’alimentation des femmes.
Selon l’Inserm, 80 % des personnes boulimiques et 90 % des personnes anorexiques seraient aujourd’hui des femmes. L’ampleur du problème est colossal. Et pourtant, le phénomène semble mis de côté, nié, comme s’il ne concernait que quelques personnes isolées, comme s’il était tolérable que tant de femmes souffrent (ou aient souffert) à l’idée d’un geste censé être naturel – se nourrir. Et qui plus est, bien se nourrir. Dans ce récit-enquête truffé de témoignages passionnants et de références culturelles, Lauren Malka tente d’apporter « quelques miettes d’espoir dans un monde d’affamées ».
Mangeuses, histoire de celles qui dévorent, savourent ou se privent à l’excès, de Lauren Malka, éditions Les Pérégrines, 2023, 288 p, 20 euros. |
• L’amour et la révolution
C’est un livre fin et utile que publie Johanna Silva, ex-compagne de François Ruffin, mais tout autant manageuse des premières années politiques du député de la Somme. Elle y raconte dans une histoire prenante comment l’amour entre elle et Ruffin a fusionné avec l’aventure politique, au point que les deux passions ne parvenaient plus à se démêler. Comment, en tant que femme, garder sa singularité de personne quand on est vue comme « la femme de » ? Comment distinguer les sentiments de l’engagement quotidien dans un travail commun ? Comment retrouver sa propre voie quand on est dans l’ombre d’un « grand homme » ?
Le livre est un récit des coulisses de l’ascension de François Ruffin, que Johanna Silva dévoile sans jamais céder au voyeurisme, et avec une lucidité bienveillante. Mais c’est tout autant la question du sentiment en politique qui est ici posée, dans le milieu machiste et violent qu’est la politique. Et Silva de conclure avec raison contre ceux qui affirment qu’il faut « déposer son cœur à l’entrée » : « Je dis moi qu’il faut au contraire qu’on lui ouvre grand la porte. Que, dans nos révolutions, l’amour prenne toute sa place ».
L’amour et la révolution, de Johanna Silva, éditions Textuel, 2023, 286 p, 21,50 euros. |
• La République des femmes
Que donnerait un pays réellement gouverné par les femmes ? Dans ce roman — qu’on espère d’anticipation — l’autrice nicaraguéienne Gioconda Belli raconte l’ascension fulgurante du Parti de Gauche Érotique (PIE en espagnol), ovni politique issu d’un groupe de femmes lassées par des décennies d’incurie masculine. D’un seul coup, la petite République latinoaméricaine de Faguas se retrouve chamboulée : exit les fonctionnaires de sexe masculin, et vive le ministère « des libertés sans restriction » ! Un livre savoureux et stimulant, qui ouvre le débat sur la révolution féministe.
La République des femmes, de Gioconda Belli, éditions Yovana, 2021, 254 p, 20 euros. |
BD
• Il est où le patron ?
Quatre paysannes ardéchoises et une briançonnaise ont conté leur quotidien à l’illustratrice, Maud Bénézit. En découle cette bande dessinée à la fois drôle et bouleversante. De – vraies – anecdotes s’y enchaînent et dépeignent le sexisme et le machisme auquel se heurtent ces femmes. L’invisibilisation de leur travail, aussi. Et surtout, l’envie de lutter, de s’entraider et d’imposer une autre voix dans ce système patriarcal opprimant. Alors, « il est où le patron ? » Elle est là, sous vos yeux.
Il est où le patron ?, de Maud Bénézit et les paysannes en polaire, éditions Marabout, 2021, 176 p, 21,95 euros. |
DOCUMENTAIRE
• We are coming
« J’avais 5 ou 6 ans, en grimpant à la corde en cours de sport. Je ne savais pas ce que c’était, cette vague de plaisir. » Les yeux pétillants, face à la caméra, une femme décrit ce qu’elle peut aujourd’hui — des décennies plus tard — nommer son premier orgasme. Une autre témoigne n’avoir joui qu’une fois avec le père de ses enfants. La réalisatrice elle-même s’interroge : « Pourquoi ai-je moins de plaisir que mon mec ? »
We are coming est un précieux concentré d’archives. Des images maladroitement tournées au caméscope dès le début des années 2010, où Nina Faure questionnait déjà sa sexualité. Elle filme ses rencontres, avec des anonymes, des sociologues, des autrices ou des femmes politiques. Et une fois l’auteur de ses maux identifiés, lui vient une autre question : comment l’abolir, lui, le patriarcat ? « Un jour, ça prendra feu. Et on se demande si ce n’est pas bientôt. »
We are coming, de Nina Faure, 1 h 27, 4,5 euros en VOD. |
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Note de la rédaction ;
A découvrir absolument, à ajouter dans votre bibliothèque, à lire, à (s’)offrir… bref, à dévorer sans plus attendre, ne ratez pas la trilogie spectaculaire de Gabrielle Filteau-Chiba.
L’autrice québécoise offre, en trois livres ; le froid de l’hiver outre-atlantique, des paysages qui coupent le souffle, mais aussi des ambiances qui oscillent entre ermitage, thriller et collectif militant. Un petit voyage révolutionnaire, en trois volumes intimes, féministes et écologiques.
Un appel de la nature et de l’urgence de la défendre.
Crédits images et vidéos :
- Vignette de l’article : © Camille Jacquelot / Reporterre
- 8 mars : Quel est le lien entre féminisme et écologie ? : @reporterre_media
- Féministe des champs, du retour à la terre à l’écologie queer, de Constance Rimlinger, éditions PUF
- Vivantes : des femmes qui luttent en Amérique latine, Collectif, éditions Dehors
- La subsistance, une perspective écoféministe, Maria Mies et Veronika Bennholdt-Thomsen, éditions La lenteur
- Mangeuses, histoire de celles qui dévorent, savourent ou se privent à l’excès, de Lauren Malka, éditions Les Pérégrines
- L’amour et la révolution, de Johanna Silva, éditions Textuel
- La République des femmes, de Gioconda Belli, éditions Yovana
- Il est où le patron ?, de Maud Bénézit et les paysannes en polaire, éditions Marabout
- We are coming, de Nina Faure
- Vignette articles sélections culturelles : Les plus riches de la planète sont les plus gros pollueurs. – © Juliette de Montvallon / Reporterre
- Vignette articles féministes : Coupe menstruelle, culottes menstruelles ou serviettes hygiéniques en tissu sont, au choix, mises à disposition dans les pharmacies. – Marketing City to Sea / Unsplash
- Encabanée, Gabrielle Filteau-Chiba, éditions Folio Gallimard
- Sauvagines, Gabrielle Filteau-Chiba, éditions Folio Gallimard
- Bivouac, Gabrielle Filteau-Chiba, éditions Folio Gallimard