Les Soulèvements de la Terre : qui est violent et pourquoi ? Une indignation asymétrique.
Un article de La Pensée Ecologique
Le 22 juin 2023
Il m’est apparu opportun de publier ce bref témoignage de Jean-Pierre Raffin qui rappelle les violences dont sont coutumiers certains chasseurs et agriculteurs, parfois aux personnes. De telles violences sont notamment impulsées par la FNSEA depuis des décennies. Je rappellerai aussi l’incendie du Palais du Parlement de Bretagne à Rennes, et donc une atteinte frontale au patrimoine, dans la nuit du 4 au 5 février 1994, lors d’une manifestation de marins-pêcheurs, incendie accidentel semble-t-il. Autrement dit des violences au matériel, et a minima des pressions sur des personnes, quand il ne s’agit pas de menaces de mort et même d’agressions physiques, sont des moyens auxquels recourent diverses professions de façon récurrente, avec en général des suites judiciaires faibles. Toutes ces violences sont catégorielles, visent à défendre les intérêts de ceux qui les commettent, ce qui n’est pas le cas des activistes se réclamant des Soulèvements de la Terre. Je rappellerai ensuite que ces « violences » dont on accuse les écologistes se déroulent dans un contexte inouï : la Terre brûle, les océans se réchauffent, l’expression du dérèglement climatique est bien plus forte qu’attendue, elle est très inquiétante ; or, l’actuel gouvernement est un incapable écologique chronique et fier de l’être, condamné par la justice ; « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? » s’interrogeait Macron, effectivement pas lui ! ; enfin, je soulignerai la dérive illibérale de l’actuel gouvernement (voir Jean-François Bayart : https://www.letemps.ch/opinions/va-france), dont la dissolution des Soulèvements de la Terre est un des symptômes : elle entrave la liberté constitutionnelle de manifester. Ce contexte éclaire d’un jour pitoyable et inique la décision de dissoudre les Soulèvements de la Terre.
Pourquoi ce gouvernement ne laisse-t-il pas faire la justice avec ses procès et ses juges, lesquels permettent d’instruire les faits et leurs circonstances ?
Dominique Bourg
La violence exercée ces temps derniers à l’encontre d’élus et de proches de M. Macron est insupportable. Elle a suscité, à juste titre, une réprobation quasi-générale.
Mais Il n’en fut pas toujours de même.
Membre du Parlement européen, je fus jadis publiquement traité d’assassin et pendu en effigie, lors de manifestations de chasseurs mécontents d’un rapport sur le protection des oiseaux sauvages que j’avais rédigé et fait adopter. Je fus également caillassé lors d’une visite sur le terrain Le contexte de ces manifestations était le suivant. En janvier 1994, un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes constatait que les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs dont usait la France étaient incompatibles avec la directive « Oiseaux » de 1979 à laquelle elle devait se conformer. M. Balladur, premier ministre s’employait alors à convaincre M. Delors, président de la Commission européenne d’engager une procédure d’urgence de modification de la directive qui satisfasse les chasseurs français. Une proposition sera transmise au Parlement européen qui la refusera. A la même période, mon rapport demandant la bonne application de la directive Oiseaux était adopté le 10 février 1994. Ce refus de modifier la directive entrainera de violentes manifestations de chasseurs en France dont je fus l’une des cibles. Pour les mêmes raisons, j‘étais matraqué en effigie lors d’une nouvelle manifestation de chasseurs quelques années plus tard. Et puis toujours comme parlementaire européen, lors d’une manifestation pacifique en vallée d’Aspe, je fus violenté par un élu pyrénéen et menacé d’être jeté à l’eau à quelques mètres de forces de l’ordre restées impassibles. La plainte déposée n’eut aucune suite. Dans tous les cas les responsables politiques « de droite » comme « de gauche » ne s’en émurent point.
De même peut-on rappeler les affiches, tracts et inscriptions ordurières et/ou menaçant de mort Mme Dominique Voynet, ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, dus à des mouvements cynégétiques sans que leurs auteurs ne soient inquiétés. Quant aux agriculteurs qui avaient saccagé des bureaux de son ministère (dont le sien mais heureusement elle était absente à ce moment), sans que n’interviennent les forces de l’ordre, certains ne furent que mollement condamnés.
L’on pourrait ajouter le cas de bénévoles associatifs pacifiques pratiquant une écologie réparatrice en butte aux violences ( locaux saccagés notamment ) de membres de la FNSEA en présence de forces de l’ordre restées passives. Ce fut le cas le 17 février 2023, où, à Toulouse, des responsables de ce syndicat d’agriculteurs déversaient un monceau de fumier devant le local de France-Nature-Environnement-Midi-Pyrénées et en vandalisaient la façade.
L’indignation serait-elle à sens unique ?
Jean-Pierre Raffin (26/05/2023)
Crédit image : La Pensée Ecologique