Cette semaine, petit tour d’horizon écologique des prochaines élections européennes.
En France, les élections européennes ont lieu le 9 juin 2024. Tout.e citoyen.ne âgé.e d’au moins 18 ans et inscrit.e sur les listes électorales communales, consulaires ou complémentaires peut voter. Il est aussi possible de voter par procuration.
Élections européennes
Avec les articles
- “Au débat des Européennes sur la transition écologique, quatre nuances de vert et des absents“, du média Vert
- “Élections européennes : notre analyse écolo des programmes“, du média Reporterre
Débat et des hauts. Mercredi 22 mai, l’Institut Rousseau, Vert, Alternatives économiques et Quota Climat, ont convié à l’École des Mines de Paris cinq candidat·es aux prochaines élections européennes du 9 juin. Un riche débat, auquel n’ont pas pu assister Les Républicains, qui a tracé de multiples chemins possibles pour accélérer la transition écologique.
Dans le nouvel amphithéâtre des Mines, en bordure du jardin du Luxembourg, à Paris, Pascal Canfin (Renaissance), Jean-Marc Germain (Parti socialiste, Place publique), Flora Ghebali (les Écologistes), Marina Mesure (La France insoumise) et Stéphane Piednoir (Les Républicains) étaient invités à débattre, mercredi 22 mai. Le représentant des Républicains, «retenu dans sa circonscription», n’a finalement pas pu se joindre aux discussions.
L’institut Rousseau, Vert et Alternatives économiques avaient fait le choix de ne pas convier les partis d’extrême droite, jugeant impossible d’offrir, sans contradictoire, une tribune à des partis xénophobes.
Objectif de cette soirée qui a fait salle comble : parler climat et transition écologique au travers de cinq thèmes majeurs – les transports, le bâtiment, l’agriculture, le commerce international et le financement de la transition. Vert vous résume les principales propositions énoncées par les candidat·es au cours de cette soirée, animée par les journalistes Anne-Claire Poirier, de Vert, et Matthieu Jublin, d’Alternatives économiques, et essaimée des propositions de l’institut Rousseau.
Par Jennifer Gallé, le 23 mai 2024, pour Vert
Le pass rail pour les jeunes fait l’unanimité
Sur la question des transports – secteur représentant plus de 20% des émissions de GES de l’Union européenne –, le projet d’un pass rail pour les jeunes semble faire l’unanimité. Ce ticket d’une cinquantaine d’euros à l’année, déjà mis en place en Allemagne, permettrait un usage illimité et facilité du train sur tout le Vieux Continent. «Ce ticket climat pour tous les jeunes va permettre une véritable émancipation, un peu comme le programme Erasmus», s’enthousiasme Flora Ghebali (Les Écologistes).
Si tous et toutes insistent sur la nécessité de développer au maximum le transport ferroviaire, pour moins de trafic routier et aérien, Pascal Canfin (Renaissance) rappelle que la décarbonation de la route reste la priorité : «On est tous d’accord sur le pass rail, mais les efforts doivent d’abord porter sur la décarbonation de la route, qui est la source principale des émissions liées au transport».
Le logement écolo, une question de dignité et de gros sous
Sur la question du bâtiment et de l’immense chantier de la rénovation énergétique, les candidates La France insoumise et Les Écologistes soulignent de concert qu’au-delà des débats techniques, le logement est aussi et d’abord une question de dignité.
«Pour ce qui concerne la France, un ménage sur 10 vit dans une passoire thermique, alors que notre pays est la 7e puissance économique mondiale», rappelle Marina Mesure (LFI). «Rénover, c’est permettre de créer plus de 100 000 emplois dans le pays», complète Flora Ghebali (Les Écologistes).
Pour rénover, il va falloir beaucoup d’argent, les candidat·es le martèlent. Mais qui va payer ? Pour Pascal Canfin (Renaissance), il faut trouver de nouveaux modèles de financement car «on ne peut pas juste dire : “il faut plus d’argent public”». Une sortie qui ne manque pas de faire réagir Jean-Marc Germain (Parti socialiste, Place publique) : «Comme le montrent les données de l’Institut Rousseau, pour faire face à l’urgence de la rénovation, il va falloir bien au contraire de l’argent public».
Dans sa récente étude Road to net zero, l’Institut Rousseau indique que la transition écologique va réclamer 360 milliards d’euros d’investissements supplémentaires au niveau européen chaque année, dont les deux tiers devraient être financés par de l’argent public.
Une politique agricole commune vraiment pas assez verte
Sur la question agricole européenne, le constat des candidat·es est clair : la politique agricole commune (PAC), qui représente le premier budget de l’Union européenne (notre article), est loin d’être assez verte pour faire face aux périls du réchauffement climatique et de l’effondrement de la biodiversité.
«Il est tout à fait possible d’avoir une PAC agroécologique, mais il faut de la formation, de l’accompagnement, plaide Jean-Marc Germain (Parti socialiste, Place publique). Pour cela, il faut aussi que les aides agricoles européennes reposent sur la main‑d’œuvre et pas sur la surface des exploitations».
Aider les petit·es face aux géants de l’agrobusiness, soutenir les agriculteur·ices bio et leur assurer un revenu décent, voilà l’autre priorité que devrait se donner l’Europe selon Flora Ghebali (les Écologistes) : «Les agriculteurs doivent devenir les premiers écologistes en produisant des fibres, de l’énergie».
«On est à un point de bascule à cause du réchauffement et beaucoup d’agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté, déplore Marina Mesure (LFI). Il faut arrêter d’être en concurrence avec le reste du monde et mettre fin aux accords de libre-échange».
Pour Pascal Canfin (Renaissance), c’est aussi le traitement de faveur réservé aux mastodontes de l’agroalimentaire qui doit prendre fin pour faire évoluer la PAC : «L’industrie agro-alimentaire doit être mise à contribution dans les objectifs de réduction des émissions».
Par Jennifer Gallé, le 23 mai 2024, pour Vert
Les différents partis en lice pour les élections européennes du 9 juin ont publié leur programme. Reporterre dresse un classement des mesures annoncées, des plus écolos aux plus écocides.
Par ici les programmes ! Difficile de s’y retrouver entre toutes les listes pour les élections européennes, qui auront lieu le 9 juin. D’autant que les partis ont une fâcheuse tendance à glisser dans leurs promesses électorales des mesures qui ne relèvent pas du tout de l’échelon européen… Reporterre a épluché les projets électoraux des sept principales listes — celles créditées actuellement de plus de 5 %, et qui pourraient donc envoyer des députés à Bruxelles. Nous n’avons pas été déçus : en matière d’écologie, il y en a des vertes et des pas (du tout) mûres. Voici notre classement, des champions du climat aux cancres.
1. En haut du podium : Insoumis et Écologistes
Sur les plans écologique et climatique, les listes de Manon Aubry (La France insoumise, LFI) et Marie Toussaint (Les Écologistes) se rejoignent. Les différences entre les deux partis se situent plutôt sur le volet international — en particulier, les Verts sont favorables à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, contrairement aux Insoumis.
Parmi les mesures écolos portées par les deux formations :
- verdir l’agriculture européenne : revoir la Politique agricole commue (PAC) pour « soutenir les pratiques agroécologiques » et l’emploi paysan ; s’opposer aux nouveaux OGM ; accélérer la sortie des pesticides ;
- limiter les modes de transports les plus polluants, en interdisant « les vols au sein de l’Union européenne (UE) s’il existe une alternative ferroviaire (de moins de 4 heures) » et en limitant « la taille, le poids et les dimensions des SUV » ;
- sortir des accords de libre-échange et développer un protectionnisme, notamment en instaurant « des critères sociaux et écologiques et de proximité dans les appels d’offres publics » ;
- protéger la nature, en renforçant les zones préservées (réseau Natura 2000 et aires marines protégées), à travers « une loi zéro artificialisation nette au niveau européen » et en « recréant une forêt primaire » ;
- s’orienter « vers un mix énergétique 100 % renouvelable à horizon 2050 ».
Ces mesures, ambitieuses d’un point de vue environnemental et climatique, seront difficiles à mettre en œuvre au vu des rapports de force actuels — la droite domine au Parlement et les Verts européens pourraient même perdre une vingtaine de sièges selon les projections — et du fonctionnement des institutions européennes. Par exemple, sur les accords de libre-échange, le Parlement donne son avis, mais ce sont les États et la Commission qui sont aux manettes. Ceci dit, avec une majorité au Parlement, beaucoup de choses deviennent possibles !
Retrouvez les programmes :
Par Lorène Lavocat, le 25 mai 2024, pour Reporterre
– celui de La France insoumise et notre entretien avec Manon Aubry
– celui des Écologistes et notre entretien avec Marie Toussaint
2. Médaille vert clair : les Socialistes
Sur la seconde marche du podium, la liste conduite par Raphaël Glucksmann. Voici quatre mesures pour l’écologie du Parti socialiste-Place publique :
- « refonder » les aides de la Politique agricole commune pour « rémunérer l’emploi agricole, soutenir les cultures de diversification » [1] ;
- accélérer la décarbonation, en investissant dans les énergies renouvelables — par exemple pour « équiper au moins 1 toit sur 2 de panneaux solaires à horizon 2050 » ;
- développer le ferroviaire, via un « ticket climat » à un tarif accessible et unique (49 euros par mois en France) pour les trains régionaux et de proximité ;
- développer une forme de protectionnisme, avec une « loi Achetez européen », « en réservant en priorité la commande publique aux productions européennes ».
Moins prolixe que les Insoumis ou les Écologistes — le programme socialiste est peu détaillé en comparaison de ceux de ses concurrents —, la liste de Raphaël Glucksmann porte tout de même plusieurs mesures écologiques ambitieuses.
Retrouver le programme du Parti socialiste et notre entretien avec Raphaël Glucksmann.
Par Lorène Lavocat, le 25 mai 2024, pour Reporterre
3. Palme de la médiocrité climatique : Renaissance et Républicains
Sur le plan écologique, les programmes de Valérie Hayer (Renaissance) et François-Xavier Bellamy (Les Républicains, LR) sont assez similaires. Parmi leurs mesures concernant l’écologie :
- miser sur les technologies (nouveaux OGM) et « l’innovation » pour verdir l’agriculture. Mention spéciale aux Républicains, qui souhaitent « abroger les textes européens qui nuisent à nos agriculteurs et à nos pêcheurs en prônant la décroissance » ;
- viser la sortie des énergies fossiles grâce au nucléaire, « par des investissements massifs » dans l’atome ;
- développer le ferroviaire, par exemple via « un Pass Rail illimité » pour les jeunes, propose Renaissance. À l’inverse, Les Républicains, eux, veulent « revenir sur l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs en 2035 » ;
- développer un protectionnisme européen : pour Les Républicains, à travers un plan « Made in Europe 2030 » pour relocaliser la production ; côté Renaissance, en développant la « préférence européenne » (« toute aide publique doit être conditionnée à une obligation de localiser ou rapatrier une partie de la production en Europe ») ;
- à propos des traités de libre-échange, LR souhaite « ne pas signer de nouveaux accords qui soient contraires à nos intérêts » tandis que Renaissance entend stopper « les négociations avec les pays ne respectant pas l’Accord de Paris sur le climat et de Montréal sur la biodiversité ».
Peu audacieux sur l’écologie, les programmes de Renaissance et des Républicains mettent en avant un protectionnisme vert (taxe carbone aux frontières, verdissement des accords commerciaux). Les deux formations misent sur la technologie (notamment les biotechs) et le nucléaire pour verdir l’Europe — or ces pistes constituent à bien des égards de fausses solutions (lire notre enquête sur le nucléaire et celle sur les OGM). Rappelons que sur l’énergie, l’Union européenne peut fixer des objectifs dans certains secteurs, mais le choix du mix énergétique relève de la compétence des États.
Selon une analyse du Réseau Action Climat (RAC), les eurodéputés Renaissance « ont soutenu plusieurs avancées majeures concernant le climat et l’environnement » lors de la précédente mandature… mais ils ont aussi sapé l’ambition de plusieurs réformes, sur l’agriculture et la qualité de l’air. Quant aux Républicains, « la très grande majorité de leurs votes sur les questions climatiques et environnementales vont à l’encontre des recommandations des organisations », résumait le RAC.
Retrouvez les programmes :
Par Lorène Lavocat, le 25 mai 2024, pour Reporterre
– celui de Renaissance
– celui des Républicains
4. Les cancres du climat : le RN et Reconquête !
En queue de notre classement, les listes de Jordan Bardella (Rassemblement national, RN) et Marion Maréchal (Reconquête !), qui portent plusieurs promesses anti-écologiques, et notamment :
- sans parler de renouvelables, le RN veut « protéger le mix électrique français », en investissant « dans les technologies d’avenir (nucléaire de nouvelle génération, hydrogène, géothermie…) ». Reconquête ! entend « bâtir un plan de relance européen de la filière électronucléaire » et « supprimer la directive imposant 45 % d’énergies renouvelables » ;
- favorables à l’automobile, les deux partis veulent « abroger l’interdiction de la vente des voitures à moteur thermique en 2035 » ;
- côté agriculture, il s’agit de supprimer toutes les mesures ambitieuses d’un point de vue environnemental, « pour éviter toute baisse de la production » selon Reconquête !. Les deux veulent ainsi « abroger la stratégie de la ferme à la fourchette ». La formation d’Éric Zemmour entend aussi « abandonner l’objectif de 25 % de surfaces en bio » et « stopper les décisions d’interdiction de produits phytosanitaires » ;
- les deux partis se retrouvent pour développer le protectionnisme européen, à travers notamment « un moratoire sur la négociation de nouveaux accords de libre-échange », selon le RN, et en imposant « aux importations le respect des normes environnementales et sociales européennes » ;
- la liste de Marion Maréchal porte enfin la volonté de « revoir les objectifs de la directive Climat sur la neutralité carbone en 2050 ».
Très peu de mesures écolos et beaucoup de promesses climaticides : les programmes des deux partis d’extrême droite portent des reculs environnementaux majeurs. Certaines propositions d’abrogation (stratégie de la ferme à la fourchette, directive sur les véhicules thermiques) paraissent également difficiles à mettre en œuvre, le Parlement européen ne pouvant prendre seul l’initiative d’annuler une loi européenne. Il faut une proposition législative de la part de la Commission européenne.
Retrouvez les programmes :
Par Lorène Lavocat, le 25 mai 2024, pour Reporterre
– celui de Reconquête !
– celui du Rassemblement national
Crédits images et vidéo :
- Illustration de l’article : © Yann Castanier/Vert
- “Le grand oral des européennes” : ©Libération
- Photographie carte électorale : © Jean-Marc Barrere / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
- Photographies des débats “Le 22 mai 2024, débat dans le cadre des élections européennes à l’école des Mines à Paris.” : © Yann Castanier/Vert